Pendant longtemps, “diversifier” faisait peur. Trop risqué, trop éloigné du cœur de métier, trop flou. Dans l’industrie, on a longtemps préféré consolider l’existant plutôt que s’aventurer ailleurs.
Mais les cartes ont changé. Chaînes d’approvisionnement sous tension, transition écologique, évolution des usages, pression sur les marges : les industriels n’ont plus le luxe de rester immobiles. Diversifier, aujourd’hui, ce n’est pas se disperser. C’est se renforcer.
Et si c’était justement cette capacité à se réinventer, à explorer de nouveaux marchés ou modèles, qui faisait de certaines PME industrielles des moteurs de réindustrialisation ? À condition d’y aller avec méthode, ambition… et une vraie stratégie marketing pour faire exister la nouvelle offre.
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Pourquoi se diversifier ? Parce l’industrie ne peut plus se permettre de rester immobile.
La crise sanitaire, la flambée des coûts de l’énergie, la guerre en Ukraine, la tension sur les matières premières : en moins de cinq ans, les industriels ont dû affronter un concentré de crises. Résultat ? Des chaînes d’approvisionnement fragilisées, des marges sous pression, des clients plus volatiles. Et une évidence : compter sur un seul marché, un seul produit ou un seul segment, c’est devenu un pari beaucoup trop risqué.
Dans le même temps, la réindustrialisation est (enfin) redevenue un objectif politique, économique, stratégique. Mais elle ne pourra pas reposer uniquement sur le retour des anciennes recettes. Elle suppose des entreprises capables de faire évoluer leur modèle, d’aller chercher de nouveaux débouchés, de créer de la valeur autrement. Bref, des entreprises agiles.
Dans ce contexte, la diversification n’est pas un plan B. C’est un levier offensif. Un moyen de retrouver du pouvoir d’action, d’anticiper les mutations à venir, de ne pas subir. Diversifier, ce n’est pas se perdre. C’est choisir de transformer ses compétences en nouveaux relais de croissance. Et parfois, de souveraineté.
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Diversifier mon activité industrielle, d’accord… mais comment ?
Diversifier n’est pas forcément synonyme de tout réinventer. C’est souvent une affaire de bon sens industriel, de repositionnement stratégique… et de méthode. À condition de choisir la bonne voie. Car il n’existe pas une, mais plusieurs formes de diversification — plus ou moins proches du métier initial, plus ou moins engageantes, plus ou moins risquées.
Voici les principaux modèles observés dans l’industrie, souvent combinés entre eux :
- La diversification connexe : s’appuyer sur des savoir-faire existants pour s’ouvrir à un marché voisin ou complémentaire. Exemple : un fabricant de pièces usinées qui développe une offre d’assemblage ou de maintenance.
- La diversification technologique : capitaliser sur une innovation, une compétence pointue ou un brevet pour créer une nouvelle offre. Exemple : un industriel qui valorise ses R&D internes dans un autre secteur (énergie, médical…).
- La diversification aval : élargir son périmètre en ajoutant des services, de l’intégration ou des fonctions support à son offre produit. Exemple : maintenance prédictive, location, formation, accompagnement RSE…
- La diversification géographique : chercher la croissance ailleurs, en export ou sur un autre territoire français, pour lisser les risques conjoncturels.
- La diversification partenariale : co-développer une nouvelle offre avec un acteur complémentaire (start-up, labo, client, distributeur…) pour partager les risques et accélérer.
- La diversification filière : rejoindre une dynamique collective (programme régional, contrat de filière, PIIEC…) pour se positionner sur les transitions à venir : hydrogène, batterie, recyclage, nucléaire, etc.
Chacune de ces stratégies suppose des arbitrages clairs et une lecture lucide de ses atouts, de ses marges de manœuvre et de ses ambitions. Mais une chose est sûre : toutes nécessitent un travail marketing solide. Car pour ouvrir de nouveaux marchés, il faut commencer par se rendre lisible.
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Quelques exemples de trajectoires de diversification industrielles inspirantes
On l’a vu : diversifier ne veut pas dire s’éparpiller. Mais choisir un axe clair, s’y engager pleinement et construire autour. De nombreux industriels français ont déjà franchi le pas — avec succès. Et leurs parcours illustrent à quel point la diversification peut devenir un levier stratégique, à condition d’être bien structurée et bien valorisée.
🧪 Armor Group : cap sur la chimie verte
Historiquement positionné sur l’impression transfert thermique, Armor a pris le virage de la diversification technologique et durable. Photovoltaïque organique, traitement de l’eau, films innovants pour batteries : l’industriel a créé un écosystème de nouvelles offres autour de son savoir-faire en formulation d’encres et de films fins.
➡️ Une diversification au service d’une ambition forte : devenir un acteur de référence de la transition énergétique.
🏗️ Fives : réinventer un groupe centenaire
Acteur historique de l’ingénierie industrielle, Fives a mené une transformation progressive en multipliant les acquisitions ciblées et les alliances (AddUp avec Michelin par exemple). Usinage, digitalisation, efficacité énergétique : le groupe a fait de la diversification un levier de modernisation et d’expansion internationale.
➡️ Une stratégie structurée, pilotée au plus haut niveau, avec une vision long terme assumée.
⚙️ Epsilon Composite : du câble au carbone d’élite
Spécialiste de la pultrusion de fibre de carbone, Epsilon a su diversifier ses débouchés vers l’aéronautique, l’énergie, le nucléaire, l’imprimerie… en gardant le même cœur technologique.
➡️ Une diversification “connexe” parfaitement maîtrisée, portée par un positionnement haut de gamme et une forte capacité d’innovation.
🚄 Expliseat : faire voyager son savoir-faire
PME innovante à l’origine d’un siège ultraléger pour l’aéronautique, Expliseat a investi le ferroviaire avec une nouvelle offre basée sur le même principe : allier confort, design et performance carbone.
➡️ Diversification marché + repositionnement image + ancrage territorial fort (avec une usine en Pays de la Loire à la clé).
Ce que ces trajectoires ont en commun ? Un alignement clair entre vision, innovation, structuration de l’offre… et communication. Car oui, diversifier sans clarifier son positionnement, sans raconter sa nouvelle histoire, c’est prendre le risque de rater la cible. Et c’est là que le marketing entre en scène.
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Diversifier, oui. Mais pas à l’aveugle.
Les exemples précédents sont inspirants, mais ils n’ont rien d’un coup de poker. Derrière chaque diversification réussie, il y a une stratégie solide, des choix clairs… et souvent des arbitrages difficiles. Parce que se diversifier, ce n’est pas juste lancer une nouvelle offre ou tester un marché “tendance”. C’est un vrai travail de fond. Et ça ne s’improvise pas.
Voici quelques règles d’or que l’on observe sur le terrain :
1. Commencer par se poser les bonnes questions
Avant de foncer, il faut aligner la boussole :
- Pourquoi diversifier ? Pour sécuriser le CA ? Pour s’ouvrir à une nouvelle filière ? Pour capter une tendance marché ?
- Qu’est-ce qu’on sait déjà faire, et qu’est-ce qu’il va falloir apprendre ?
- Est-ce qu’on a les moyens de tester sans mettre en danger le cœur de métier ?
2. Travailler le nouveau positionnement
Ce n’est pas parce qu’on sait produire que le marché comprend ce qu’on vend. Chaque diversification nécessite :
- Un angle clair (à qui on s’adresse, sur quoi on se différencie),
- Un discours adapté,
- Des preuves (références, contenus, démonstrateurs, etc.).
👉 Le risque sinon : être inaudible, voire illisible. Pire, brouiller l’image de l’entreprise auprès de ses clients historiques.
3. Y aller par étapes
Mieux vaut un MVP bien cadré qu’un projet tentaculaire :
- Étude marché ciblée,
- Offre “pilote” sur une verticale précise,
- Communication testée en A/B sur LinkedIn ou via un livre blanc expert,
- Points d’étape réguliers.
4. Aligner le marketing avec le développement business
Une offre ne se vend pas toute seule. Pour qu’elle décolle, il faut :
- Des contenus pédagogiques,
- Des outils de conviction (étude de cas, démonstration, benchmarks),
- Une stratégie de visibilité ciblée (ABM, influence, réseaux, salons…),
- Un pilotage data : trafic, leads, feedbacks terrain.
👉 En clair : diversifier sans stratégie marketing, c’est comme lancer un nouveau produit sans notice.
Et dans l’industrie (comme ailleurs), ça ne pardonne pas.
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Et si le marketing était le vrai moteur de votre diversification ?
On associe encore trop souvent le marketing à la “dernière couche de peinture” — celle qu’on applique une fois que l’offre est prête. Erreur stratégique. Dans une démarche de diversification, le marketing n’est pas un supplément, c’est un outil de pilotage.
Il permet de :
- Valider les bons marchés à cibler (à travers des études, des interviews, des tests terrain),
- Identifier les personae clés à convaincre (et adapter le discours en conséquence),
- Structurer une proposition de valeur claire, lisible, différenciante,
- Raconter la transformation de l’entreprise (en interne comme en externe),
- Construire des preuves concrètes : contenus premium, retours d’expérience, influence B2B.
Et surtout : le marketing permet d’exister sur ce nouveau marché. D’être vu, compris, reconnu. C’est ce qui fera la différence entre une diversification qui reste dans les cartons… et une trajectoire de croissance assumée.
Chez Miti, on accompagne chaque année des industriels qui réinventent leur stratégie commerciale, leur offre ou leur positionnement. Et on le fait avec une conviction forte : le marketing industriel n’a jamais été aussi stratégique qu’aujourd’hui.
Alors si vous êtes en train d’ouvrir une nouvelle voie, on peut sûrement faire un bout de chemin ensemble.