Soyons honnêtes : l’industrie française n’a pas encore pleinement pris le virage du digital dans leur stratégie de communication. Oui, les choses bougent. Oui, de plus en plus d’ETI, de PME techniques ou de start-ups industrielles investissent LinkedIn, YouTube ou même Instagram pour valoriser leur savoir-faire, raconter leurs coulisses ou recruter de nouveaux talents.
Mais pour beaucoup d’acteurs, la communication reste encore trop descendante, trop ponctuelle, trop centrée sur le produit. Et surtout, elle peine à transformer la visibilité en engagement durable.
Car au-delà de la présence, ce qui compte vraiment, c’est le lien et la confiance qui en découle. Et si la clé d’une stratégie d’influence B2B réussie ne résidait pas uniquement dans l’audience… mais dans la qualité des relations qu’on tisse avec son écosystème ? C’est tout l’enjeu du community building, ce levier encore trop sous-estimé par l’industrie et pourtant redoutablement efficace, surtout quand il vient compléter intelligemment une stratégie social media.
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Réseaux sociaux : un tremplin, pas une finalité
Soyons clairs : les réseaux sociaux sont indispensables dans une stratégie de marketing industriel. Ils permettent d’émerger, de prendre la parole, de nourrir une communauté naissante. Mais comme tout média, ils ont leurs limites. Et surtout, ils ne sont qu’une pièce du puzzle.
- Engagement éphémère : un like ne vaut pas un échange en profondeur. Sur les réseaux, on informe ; dans une communauté, on dialogue
- Logique algorithmique : votre contenu est noyé dans une masse. Une communauté, elle, vous appartient. Vous y définissez les règles du jeu.
- Complexité des sujets : l’innovation industrielle, la R&D ou la transformation énergétique ne tiennent pas toujours en en quelques centaines de caractères. Ces sujets méritent des espaces de partage et d’intelligence collective.
La solution n’est donc pas de fuir les réseaux sociaux — au contraire, ils restent des outils puissants pour émerger, capter l’attention et alimenter la notoriété de votre marque. Mais pour aller plus loin, transformer cette audience en partenaires, en clients fidèles ou en relais de votre innovation, il faut créer des espaces complémentaires : des lieux d’échange plus riches, plus qualifiés, plus profonds. Des espaces où l’on ne se contente pas de “poster” mais où l’on construit, où l’on dialogue, où l’on fait grandir une vision partagée. C’est tout l’intérêt du community building (= animation communautaire) dans une logique B2B industrielle.
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Le community building industriel : construire la maison autour du feu
Alors, si les réseaux sociaux ont leurs limites, quelle est l’alternative ? Bienvenue dans l’ère des communautés professionnelles.
Oubliez les « followers », pensez « membres ». Oubliez l’audience, pensez « écosystème ». Une communauté industrielle est un groupe de personnes (collaborateurs, clients, partenaires, futurs talents…) unies par un intérêt commun et fédérées par votre entreprise, qui en devient l’architecte et le catalyseur. Loin d’être un simple objectif de communication, la création d’une communauté répond à des enjeux business critiques :
- Accélérer l’innovation : en créant une communauté d’innovation avec vos partenaires, fournisseurs et clients clés, vous instaurez une boucle de feedback continue. Vous captez les signaux faibles du marché, co-développez des solutions et réduisez votre « time-to-market ».
- Sécuriser son développement commercial : une communauté marketing transforme vos clients en ambassadeurs. Pour une start-up, c’est le moyen idéal d’engager les « early adopters » et de créer une preuve sociale. Pour un grand groupe, c’est une stratégie de fidélisation et de différenciation redoutable face à la concurrence.
- Renforcer l’engagement des collaborateurs : le capital le plus précieux de l’industrie est humain. Une communauté interne permet de briser les silos entre les sites ou les filiales pour :
- Transmettre les compétences entre générations.
- Accompagner la transformation (digitale, R&D…) en impliquant les équipes.
- Sécuriser le recrutement en animant des viviers de talents (alternants, stagiaires, écoles partenaires).
- Incarner sa démarche RSE : une communauté de parties prenantes (associations locales, institutions, fournisseurs…) est la preuve la plus tangible de votre engagement. C’est un espace de dialogue transparent pour construire ensemble des projets à impact positif.
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Quelques exemples de communautés industrielles
L’industrie s’est déjà emparée du sujet des communautés. Parmi les plus belles réussites, on peut citer :
- Le CETIM, le Centre Technique de la Mécanique Française, qui a lancé il y a 3 ans un dispositif communautaire avec comme ambition de toucher 100 000 personnes
- France Clusters, le réseau des réseaux professionnels français qui fédère clusters industriels, pôles de compétitivité et associations professionnelles.
- Les pôles de compétitivité comme Nuclear Valley ou encore le Pôle Véhicule du Futur
- Des entreprises comme Schneider Electric possèdent plus d’une centaine de communautés de pratiques internes qui servent à partager les bonnes pratiques et favoriser l’innovation entre les collaborateurs du groupe. (source). On peut également citer l’ETI Delfingen qui a très tôt mis en place une culture communautaire forte.
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Comment construire et animer sa communauté professionnelle ?
Construire une communauté ne s’improvise pas. C’est un projet stratégique qui demande méthode, ressources et engagement sur le long terme. Il se déploie en quatre étapes clés.
- Co-construire et formaliser sa stratégie communautaire : Tout part du « Pourquoi ». Quel est l’objectif business ? À qui s’adresse-t-on ? Quelle valeur unique allons-nous apporter aux membres ? Cette réflexion doit aboutir à une charte communautaire claire, définissant les objectifs, les règles du jeu et les indicateurs de succès.
- Former les animatrices et animateurs de communautés : L’humain est le cœur du réacteur. Le Community Builder n’est pas un simple gestionnaire de contenu ; il est un facilitateur, un modérateur, un catalyseur de liens. Il doit posséder des compétences en gestion de projet, en intelligence relationnelle et une connaissance fine des enjeux de l’entreprise. Suivre une formation en community building est indispensable pour réussir son projet.
- Opérer son plan d’animation et le piloter : Une communauté vit grâce à ses rituels et à la pertinence de ses contenus (webinaires exclusifs, questions aux experts, partage de ressources…). Il est nécessaire de sécuriser au moins 20% d’un ETP pour assurer une animation de qualité. Ensuite, l’animation d’une communauté doit être pilotée par des indicateurs de performance (KPIs) qui vont au-delà des métriques de vanité : taux de membres actifs, nombre d’interactions, qualité des conversations, satisfaction des membres…
- Déployer une plateforme communautaire : L’outil n’est qu’un moyen, pas une fin. Le choix de la plateforme dépend de votre stratégie et de votre cible.
- Pour des communautés internes de collaborateurs : Des solutions comme Viva Engage (Microsoft 365) ou Slack sont souvent intégrées aux outils existants.
Pour des communautés externes (clients, partenaires…) : Des solutions dédiées comme la plateforme communautaire française Wudo’Plateforme ou l’américaine Circle offrent des fonctionnalités puissantes. Pour cibler la génération Z et les profils techniques, Discord est une piste à explorer.
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En définitive, la question n’est pas d’opposer réseaux sociaux et communauté professionnelle. La vraie stratégie est de les articuler : les réseaux sociaux agissent comme un mégaphone pour attirer et faire connaître votre expertise, tandis que la communauté est la maison où vous accueillez, fidélisez et engagez durablement votre écosystème.
C’est un investissement de long terme qui transforme votre communication en un véritable actif stratégique : un moteur d’innovation, un levier de croissance durable et le cœur battant de votre marque employeur.
Faire communauté est un levier clé pour réussir à faire l’industrie !



